Carnet de randonnée : Sur le Chemin de Stevenson
|
|
Temps de lecture 7 min
|
|
Temps de lecture 7 min
S’il y a des voyages qui marquent l’existence d’un individu, le Chemin de Stevenson sera pour moi l’un de ceux là. Du moins l’une de mes premières randonnées inoubliables.
En avril 2022, empruntant la route du GR70, j’ai suivi pendant trois jours, la trace du célèbre Robert Louis Stevenson.
« La joie du voyageur qui secoue la poussière d’une étape avant de s’élancer vers une autre »
Table of content
Du 22 septembre au 4 octobre 1878, au départ de Monastier sur Gazeille, l’écrivain traverse le Velay, le Gévaudan, le Mont Lozère et les Cévennes pour arriver à Saint Jean du Gard puis Alès. Au cours de cette excursion, il n’a pour seul compagnon de route, une ânesse, Modestine. Sur son chemin, des rencontres, des tas de rencontres, plus ou moins sympathiques.
Robert Louis Stevenson prend note de son voyage et les publie en 1879 : Voyage avec un âne dans les Cévennes.
Si ses descriptions et analyses du terroir sont bien encrées dans le XIXe siècle, certaines observations et émotions liées au voyage sont toujours d’actualité. Lui, avec sa Modestine et son ballot, moi, avec mes salomon aux pieds, et ma veste Lagoped sur le dos, nous avons indéniablement partagé certaines mêmes sensations et visions. Les rencontres ont également fait partie intégrante de mon périple (aussi court soit-il) : Sébastien du Puy-en-Velay, la mamie de Coubon, Vlad du Monastier, le papi de Metz, Victoire du Bouchet, la mamie de Landos, le papi de Pradelles… ce sont des hôtes, des marcheurs, des habitants, ce sont des inconnus croisés lors d’un pèlerinage littéraire, des compagnons de routes généreux.
« Je ne voyage pas pour aller quelque part ; mais pour voyager ; je voyage pour le plaisir du voyage. L’essentiel est de bouger ; d’éprouver d’un peu plus près les nécessités et les aléas de la vie, de quitter le lit douillet de la civilisation et de sentir sous ses pieds le granit terrestre avec, par endroits, le coupant du silex. »
Départ : Le Puy-en-Velay
Arrivée : Langogne (trois jours de marche), Alès (chemin complet)
Je suis montée dans le train à Gare de Lyon à 12h50, c’est le début de mon aventure. Mon coeur bat fort alors que je m’avance sur le quai. Alors que les paysages changent et deviennent plus verts, plus sauvages, un grand sourire se dessine sur mon visage.
En arrivant à la gare, j’ai tout juste le temps de me diriger à grandes enjambées vers la statue Notre-Dame de France sur son rocher. J’appréhende alors la ville avec hauteur.
Je m’installe ensuite au gîte La Prévôté où je vous conseille de réserver votre lit. Sébastien m’accueille chaleureusement. Pour le dîner, je m’installerai au restaurant Aline et H, en bas des marches de la cathédrale, point de départ des pélerins et dégusterai les fameuses lentilles du puy.
J’ai le temps de profiter d’une petite balade dans la veille ville, entre les pavés et les rues sinueuses, de profiter du coucher de soleil avant de m’offrir une bonne nuit de sommeil.
Transport : TGV Paris Gare de Lyon -> Saint-Etienne Châteauroux (3h), TER Saint-Etienne Châteaucreux -> Le Puy-en-Velay (1h20)
A visiter : La Cathédrale Notre-Dame-du-Puy, Statue Notre-Dame de France
Diner : Restaurant Aline et H
Hébergement : Gite La Prévôté
L’aventure commence ce matin, je me réveille avec le son des cloches de la cathédrale. J’ouvre la fenêtre de ma chambre qui donne sur un jardin et sur la statue Notre-Dame de France. Il fait beau et frais, une belle journée s’annonce !
Avant de m’aventurer sur le chemin, je prends le temps de visiter le rocher Saint Michel d’Aiguilhe aperçu la veille. Sur le sentier, je suis pratiquement la seule. Les pélerins du chemin de Compostelle ont été plus matinaux.
A Coubon, je m’accorde une pause déjeuner. Au menu : saucisson et bière La Stevenson, pour célébrer le sentiment de plénitude et de bonheur qui m’envahit depuis plusieurs heures maintenant.
« Je n’ai pas souvent éprouvé tant d’intime satisfaction en présence d’un site. Je me mouvais dans une atmosphère délicieuse et me sentais allègre et tranquille et heureux. »
Je suis avec attention la trace du chemin, me laisse porter par la musique des oiseaux, du vent dans les arbres et des agriculteurs, au loin.
Arrivée au Monastier, je m’installe dans l’auberge de l’ancienne gendarmerie. Je profite du coucher de soleil du côté de l’église et avant de fermer les yeux, je fais quelques recherches sur Fanny Van de Grift, celle qui fait battre le coeur de mon compagnon de voyage, Robert Louis.
Distance : 23km
Dénivelé : +739m
Durée : 5h
A visiter : Rocher Saint Michel d’Aiguilhe
Hébergement : Ancienne gendarmerie - Gîte Les Gens Dorment
Je quitte Monastier au petit matin, pleine d’énergie. Les réveils sur le chemin n’ont rien à voir avec ceux du quotidien parisien, ce n’est pas surprenant mais tellement satisfaisant. En passant à Goudet, j’hésite à faire le détour par le château. La journée est encore longue, je décide de continuer mon chemin. Je croise enfin plusieurs marcheurs sur ma route, des couples, des groupes d’amis. On échange des bonjours, des sourires et quelques commentaires sur nos aventures.
L’arrivée au Bouchet est bouleversante : je suis totalement charmée par la tranquillité du village, situé en hauteur, et par la douceur de l’hébergement que j’ai réservé pour la nuit. Victoire m’y accueille comme une amie et je m’imagine rester quelques jours, ou quelques semaines dans cette maison.
Distance : 24km
Dénivelé : +655m
Durée : 5h15
Avant le coucher du soleil, je décide de prolonger la journée en marchant jusqu’au Lac, et cela vaut le détour. Les couleurs des rives du lac me font voyager au Canada, où je ne suis jamais allée mais dont les photos me donnent très envie. Je profite du Chalet du lac pour m’offrir un petit apéritif et profiter, simplement, du moment et de la chance que j’ai d’être là.
« Il faut qu’un homme ait médité sur un paysage avant d’entreprendre d’en jouir pleinement. Ce n’est pas à la faveur du juvénile enthousiasme, éprouvé à la conquête d’un sommet, que l’on peut s’approprier la quintessence de la beauté. »
Distance : 6,5km
Dénivelé : +150m
Durée : 1h30
A voir : Le château de Goudet, Le lac du Bouchet, Chalet du Lac du Bouchet
Hébergement : Le Flambeau
Au petit matin, un sentiment de nostalgie m’envahit. Je quitte le Bouchet pour ma dernière randonnée, j’aimerai que cette aventure dure plus longtemps, j’aimerai suivre le chemin jusqu’à Alès. Avant de reprendre le sentier, je salue la statue de Stevenson et poste mes cartes postales.
C’est la distance la plus longue de mon circuit : je croise du monde et discute avec des femmes plus âgées que moi croisées la veille sur le chemin. Je croise également la route d’un troupeau de vaches et d’un taureau. Je me fonds dans les buissons sous son regard insistant pour le plus grand amusement de l’éleveur.
A Pradelles, je me balade dans les ruelles avant de trouver le lieu de ma pause déjeuner. Alors que je finis le livre de Robert Louis Stevenson, mon regard rencontre celui d’un papi qui vient à ma rencontre. Il est passionné par l’histoire de sa région au point le lire les archives lors de son confinement il y a deux ans. Il est passionnant. Je me laisse porter par ses récits et anecdotes. Le temps file et je dois prendre congé de cette riche rencontre mais prend soin de noter son contact Facebook : « Tourisme en pays de terres prédelles ».
Après Pradelles, j’arrive rapidement à Langogne. La nostalgie ressentie au petit matin s’accentue. Je dois passer la nuit dans cette ville qui n’a pas autant de charme que mes précédents arrêts. Je décide alors d’avancer mon train pour rentrer à Paris.
Distance : 28km
Dénivelé : +491m
Durée : 6h
A voir : La Statue de Stevenson, Pradelles
C’est la fin de ma première aventure sur le chemin de Stevenson. La fin de mon chemin pédestre et spirituel. Je rentre le coeur rempli mais écorché à l’idée de quitter le chemin et mes compagnons de route. Je ne sais pas quand je reprendrai le chemin, j’ai terminé le récit du voyage de Stevenson mais mon voyage lui, ne fait que commencer.
"Ici s’achevait la première partie de mon voyage. Et c’était comme une harmonieuse introduction à l’autre et bien plus belle encore."
Je retiendrai, la quiétude et la beauté des paysages et l’âme de chaque village traversé. Je me souviendrai de la spontanéité et la générosité de chaque personne rencontrée, jamais indifférente à ton passage et ton histoire. Je reconnaîtrai toujours le privilège de pouvoir marcher et voyager seule. Enfin, je garderai en mémoire la solitude chaleureuse qui m’a accompagné sur le chemin.
Pour plus de renseignements sur le Chemin de Stevenson : https://www.chemin-stevenson.org/decouvrez-le-chemin-de-stevenson-gr70/