Carnet d'alpinisme - Virée entre amis en face Nord de la Reine : la Directissime des Potes
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Temps de lecture 5 min
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Vivien, membre de la Lagoped Family , nous partage le récit de l'ascension de l'une des voies de la face Nord de la Reine Meije.
Une aventure en montagne commence assurément par le montage d’une bonne équipe. Avec l’ami Ren’ (Renaud Fine), on bloque le créneau annuel fin Juillet. Parmi les options, une nous fait particulièrement de l’œil depuis l’été dernier, la voie des potes en face Nord de la Reine Meije. Le nom n’y étant probablement pas pour rien.
Ouverte par C. Copier et T. Clarasso pour le quart du bas, 1997, puis B.Gravier, C. Copier, JF Etienne, 2005, en 2 fois pour le haut.
La simple lecture de la description du « topo Cambon » permet de se faire une idée :
« La voie la plus dure et la plus longue de la face Nord. Cotée ED+, M5, 7c, 80° en glace, c'est une entreprise extrême puisque le crux est une longueur en 7a+ puis7c (ou A2) mal protégée à 3800m en face Nord » ...
Les conditions et le créneau météo étant au rendez-vous, nous nous préparons emmagasinant les quelques informations disponibles sur le net et en contactant des copains l’ayant déjà parcourue (merci à Octave, Paulo et Adrien).
C’est en lendemain de garde (au SAMU) en ce qui me concerne que l’aventure commence. Un peu ensuqué on quitte l’agglomération Grenobloise pour se rendre tranquillement à La Grave profiter du téléphérique et d’une montée en direction des Enfetchores.
Nous décidons d’aller chercher l’arête sommitale de ces derniers pour repérer au mieux la face Nord. Cela nous permet d’avoir un visuel complet sur la face et confronter les conditions actuelles avec les quelques photos disponibles. Un repérage de la rimaye est nécessaire, la face étant un peu plus sèche qu’attendue.
Nous effectuons donc un crochet au pied pour l’inspecter et trouver un point de faiblesse permettant d’accéder au socle.
Un mur un peu raide en neige glacée avec quelques petits pas de mixte sera notre choix.
Heureux d’avoir un plan 1 nous remontons le glacier de la Meije en sa rive droite pour passer la brèche et aller profiter de la douceur d’une soirée au promontoire (merci à Sandrine la gardienne) où nous retrouvons plusieurs copains par surprise dont les collègues de la CRS Alpe.
Le lendemain le réveil sonne à 2h00, nous nous affairons vers 2h45 pour retrouver le pieds de la face Nord. Il fait relativement chaud et nous décidons de nous économiser sur l’approche et regagnons le dit mur raide.
C’est parti pour le socle, après le franchissement de la rimaye, Ren’ me rejoint. La suite du socle s’apparente à une partie de Dodgeball géant de nuit et un dicton me revient : « si vous évitez les clés à mollettes vous éviterez les balles » 2 , pratique ça doit s’adapter aux pierres.
Nous progressons au mieux dans un mélange de corde courte et de corde tendue à se déplacer comme des petits crabes 3 .
Les premières lueurs se pointent lorsque nous attaquons les longueurs grimpantes sur du bon caillou rougi par les rayons.
S’ensuit la remontée d’un couloir en fort mauvais rocher où en plus de choisir les prises, il faut choisir dans quel sens les utiliser pour ne pas déstabiliser le château de carte. Cette partie est bien plus sèche que décrite. Nous nous équipons au pied du premier mur raide. Sacrément raide !
Ça s’enchaine assez bien dans du caillou fissuré autant athlétique qu’esthétique et au bout de 4 longueurs nous nous rechangeons, ambiance glace. Cette partie sensée être en neige est plutôt en glace par section et je ne regrette pas la tactique d’avoir un équipement hivernal comprenant des vrais crampons aciers ainsi qu’un piolet technique (pour la cordée) et 6 broches.
Nous remontons la partie médiane du Z avec des sections de glace noire et allons faire un relais au pied du bastion final. Cette section n’a rien à voir avec ce dont nous nous souvenions de notre visite 10 ans auparavant. Après une pause, nous remettons nos habits de lumière, pour grimper cette dernière section. Un dièdre étonnamment en équilibre nous amène au pied de la fameuse fissure verte.
Encore quelques longueurs et nous arrivons sous cette avant dernière longueur très athlétique, Ren s’élance dedans, grimpe habilement jusqu’au dévers, quelques pas d’artifs plus tard (et le remplacement de la plaquette manquante, merci aux copains pour l’info) nous amène à l’avant dernier relais.
Une dernière longueur nous permet de rejoindre le dit Cheval Rouge et l’arrête toute terminale. C’est à 18h que nous croisons un couple préparant un élégant bivouac au sommet de la Meije.
Nous passons un coup de fil à Béa la gardienne de l’Aigle qui nous met de côté quelques bière et un repas. Après une magnifique traversée au crépuscule nous rejoignons l’Aigle, Béa et Margot, la gardienne et l’aide gardienne qui nous attendent avec le sourire et un bon diner.
Le lendemain nous savourons ce petit coin de paradis avant de redescendre dans la vallée .Encore une belle aventure entre pote !
Pour cette ascension nous avons décidé de faire « à la journée », de fait nous n’emportons pas de bivouac mais tout de même des vêtements chauds au cas où (grosse doudoune, chaussettes et gants de rechange) ainsi qu’une couverture de survie chacun.
Étant donné la probabilité importante de progression nocturne, nous emportons une petite lampe supplémentaire.
Nous avons également une trousse de secours et une radio.
Nous emportons un jeu de Friends jusqu’au numéro 3 (ce dernier n’étant pas indispensable) en doublant quelques tailles moyennes/petites, quelques câblés et 3 pitons (forts utiles), des dégaines et sangles, de la cordelette.
Nous avons 6 broches légères.
Concernant le matériel de progression nous avons décidé de se répartir avec une paire de crampons acier type mono pointe et chaussures adaptés, un piolet technique et un piolet léger pour l’un ; matériel léger pour l’autre. Cette « stratégie » concernant « l’attaque » des longueurs de glace/mixte s’avèrera la bonne étant donné les conditions rencontrées.
Enfin nous progressons avec des cordes à double de 60 (risque de coupure de corde par les pierres et possibilité de réchappe, rappels à la fin de la traversée des arrêtes)
Une bonne veste imperméable solide (la veste de montagne TETRAS)
Une veste intermédiaire
Une doudoune chaude (la doudoune isolante HEYDO2)
Deux paires de gants
Un bandeau (le bandeau chaud en laine recyclée GHEADBAND)
Un pantalon type softshell
Un collant
Un tour de cou (le tour de cou technique WINSNOOD)
Des chaussettes de rechange
Références :
(1) DodgeBall - If you Can Dodge A Wrench, You Can Dodge A Ball, Vaughin, Stiller
(2) Chut ! On a un plan, Chris Haughton
(3) Pas de panique petit crabe, Chris Haughton