Le Casse de Brice, par Xavier Cailhol & Symon Welfringer
|
|
Temps de lecture 2 min
|
|
Temps de lecture 2 min
C’est l’histoire d’une idée amusante qui germe au détour d’une saison improbable. Un truc qui commence par de la glaciologie, continue par une goulotte raide, et finit en ski de pente raide sur un itinéraire qui n’existait pas encore. Le genre d’ouverture qui mélange improvisation (ce terme si cher à Yann Borgnet), engagement, et une bonne dose d’humour pour ne pas trop se prendre au sérieux. Allez, on vous raconte.
Il y a deux semaines, je monte à la Grande Casse pour des relevés glaciologiques dans les Grands Couloirs et la face nord, dans le cadre mon doctorat. Programme studieux, sauf qu’au lieu de me contenter d’une simple montée, je décide de passer par Folie Douceavec mon frère. Cette goulotte, qui n’avait pas été grimpée depuis un bail, est enfin en condition.
En descendant, je fais mes relevés, et je repère alors une ligne que j’avais déjà remarquée au printemps. À l’époque, elle était surtout composée d’un dièdre rempli de cailloux. Mais là… c’est autre chose. Le départ, vraiment raide, est maintenant blanc de neige froide. Et l’idée commence à germer : Et si on y allait en mode descension avec des skis ?
Quelques jours plus tard, Symon et moi discutons de nos projets pour la semaine. L’idée initiale était d’aller dans du mixte aux Grandes Jorasses. Mais les conditions là-bas ne sont pas idéales. Alors je lui lance : — Symon, et si on allait skier cette ligne ?
Ski raide, face nord, au mois d’octobre, avec les premiers virages de la saison dans du 50° ? Pas besoin de lui en dire plus. On boucle nos sacs, et nous voilà repartis, direction la Grande Casse. Deuxième montée dans la semaine, mais cette fois avec des skis.
La montée par les Grands Couloirs est vite avalée. On débouche au sommet, le nez penché vers la face nord. Je balance au S un :— Mazette, c’est raide.
Oh oui, c’est raide. Et surtout, c’est bien blanc. La neige est restée froide, accroche bien, et pour l’instant, tout s’annonce parfait. On commence en désescaladant quelques mètres dans des dalles quasi verticales posées sous 40 cm de neige. Symon place un bon câblé, un friend en back-up. Je descends un premier rappel de 30 m, et trouve une fissure parfaite pour un relais. Deuxième rappel, cette fois bien vertical, et on arrive enfin dans un couloir skiable. On chausse les skis.
Premier virage : pas simple. Deuxième : toujours pas. La pente est à un bon 50° (toujours selon les manifestants, la police de la pente raide annoncerait un 47.85°), le couloir est resserré, et chaque geste compte. Quelques mètres plus bas, le couloir se rétrécit encore. Cette fois, pas le choix : on déchausse, désescalade cinq mètres, puis on rechausse. La suite ? Une belle pente raide, quelques virages fluides… jusqu’à un nouvel éperon de glace et de cailloux qui nous force à redéchausser. Un autre rappel de 30 et là : bonheur, une belle pente rectiligne de 600 m à plus de 45°, avec 30 cm de poudre froide. On enchaîne les virages, un sourire scotché sur le visage, et on arrive en bas de la face euphoriques et heureux. La saison commence BIENNNNNNNN !