L’ascension du plus haut sommet de la Laponie « Le Kebnekaise » en traineau à chien.

Écrit par : Lucien Chaillot

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Temps de lecture 21 min

La Laponie est une destination de rêve pour tous les amateurs de grands espaces glacés, la Mecque pour les mushers de toute l’Europe. C’est dans ces grands espaces sauvages que se déroulent les plus grandes courses de longue distance. Ces courses mythiques sont devenues, par l’engagement qu’elles demandent et les images de grands espaces nordiques qu’elles véhiculent, LA discipline phare du mushing, et la vitrine de ce sport.

Nos aventuriers, Rémi, Lucien, et Robin, sont tous les 3 mushers dans le département des Hautes Alpes. C’est l’un des départements français comptant les plus hauts massifs du pays. Ces 3 amis ont toujours été attirés par les hauts sommets pour la découverte, l’effort, les panoramas et surtout l’aventure. Alors pourquoi ne pas allier ces deux passions : Une ascension qui mêle la pratique du traineau à chien de montagne dans la quête de hauts sommets qu’ils pratiquent en France avec l’aventure polaire qui les tente depuis fort longtemps?

C’est ce qu’ils ont imaginé ! Le plus au sommet de la Laponie se situe dans les Alpes Scandinaves sur le territoire de la Suède. Il se nomme le Kebnekaise ( 2097m) c’est l’objectif de nos 3 aventuriers.

Portrait de l'équipe

Rémi est le musher professionnel du groupe. Il enseigne la pratique du traineau à chien à Puy Saint Vincent (05) depuis plus de 10 ans. Quand il ne travaille pas avec les touristes ou les groupes d’enfants, il ne cesse d’arpenter la montagne avec ses chiens et d’explorer les sommets de son territoire. Le groupe partira avec ses chiens, ses compagnons de travail mais aussi de toutes ses sorties. Il sera également le cuistot de l’expédition, car pour lui une aventure se vit uniquement dans la bonne humeur et autour de bons petits plats.

Lucien est le gars le plus polaire de l’équipe. Il connait la Scandinavie comme sa poche grâce à ses nombreuses expéditions et voyages dans ces contrées par son métier de Guide polaire et d’Accompagnateur en montagne. Lucien est un aventurier à l’esprit pratique, il sera le logisticien de l’expédition. Grâce à sa connaissance du milieu au-delà du cercle arctique il a établi la liste et réussi a trouver tout le matériel spécifique et indispensable à une aventure polaire. Si un souci se présente ?Pas de souci, Lucien a la solution.

Robin est le cinéaste et le gars le plus sportif de l’équipe. Grand sportif en ski joëring il aura ses2 mains libres pour exprimer sa maîtrise de ces appareils de haute technologie dans les froids les plus cinglants. Avec son regard de photographe, il sait capter les instants et ces paysages glacés afin de nous y immerger au travers de ses clichés. Pour cette aventure en skijoering il sera accompagné de Peuf sa fidèle chienne qui le tracte en ski de randonnée dans toutes conditions même les plus extrêmes. Comme tout bon chasseur d’image, lui et Peuf n’auront de cesse de faire des allers/retours, autour de Rémi, Lucien et les 17 chiens, pour immortaliser cette aventure.

Laponie traineau Lucien Chaillot

Car oui parlons en de ces chiens ! Ce sont 17Alaskan Huskys et croisés nordiques qui composent cette team. Ils font partis de la meute de Mushing Addict et sont acclimatés au climat Haut Alpin d’altitude à Puy Saint Vincent.

Ils se nomment Snow, Popy, Ouesters, Hayley, Kaouet, Jingle, Yumi, Rocket, Noodles, Patchok, Rustine, Schweppes, Poe, Erza, Peuf, Mirza, Roparz. Durant cette expédition ils seront les plus chouchoutés. Ils sont préparés physiquement et mentalement tout au long de l’année pour évoluer en milieu montagnard. Ces chiens sportifs ont l’habitude de courir en altitude, face aux sommets mythiques des Ecrins : le Pelvoux, l’Aiglière. Mais l’idée de changer d’air n’était pas non plus pour leur déplaire à une condition : rester dans une ambiance montagne.

Pour nos 3 aventuriers et leurs 17 compagnons à quatre pattes ce sera leur premier grand voyage en traîneau à chiens.

L’EMMERGEANCE DU PROJET ET LA PREPARATION

Comme à leur habitude, Rémi, Lucien et Robin veillent sur les conditions météo et sur les spots idéaux pour la pratique du traineau à chiens en milieu alpin. Mi-novembre les premières neiges font leurs apparitions dans les Vallées du Pays des Ecrins. Rien ne peut les retenir d’aller faire leurs traces avec leurs fidèles compagnons à quatre pattes. Lors d’une sortie, Rémi lance : « Alors Lucien, quand est ce que l’on va en Laponie ? » Lucien a saisi la balle au bond et répondu du tac au tac « Bah en Avril, c’est parfait ! ». Voilà comment tout à commencer.

La saison d’hiver s’est mise en route progressivement. Cela leur a laissé le temps de déplier les cartes des Alpes Scandinaves afin de réfléchir à l’itinéraire et planifier celui le plus adapté à leur projet d’ascension. Ils ont aussi pris le temps, cet hiver-là, de bricoler avec la perceuse le matériel de traineau et d’expédition pour que celui-ci réponde à leurs exigences. Le sur mesure est souvent la meilleure option pour ces aventures uniques. Ce sera 2 traineaux avec pulka, des skis de rando et un tipi avec poêle à bois pour le bivouac. Une semaine en totale autonomie autour du Kebnekaise !

A la Mi-mars la saison de traineau à chien touchait à sa fin en Vallouise. La neige n’était plus vraiment au rendez-vous mais en altitude les conditions restaient idéales pour faire quelques ascensions de rodage comme la Tête de Vautisse au sommet de plus de 3000m.

Notre équipe était fin prête, les chiens entrainés, le matériel opérationnel et au complet, et nos 3 aventuriers prêts à gravir des sommets ! L’heure du départ avait sonnée.

CAP AU NORD

Leur aventure a débuté sur la route, à avaler les kilomètres peut-être à enlever. 2 jours de route pour traverser 5 pays sur près de 3000km,seulement une dizaine de pauses pour les chiens et les humains, puis un ferry et nos aventuriers atteignent enfin le centre de la Suède et la commune de Vilhemina pour y faire une escale d’une journée.

Vilhemina, c’est le lieu de résidence de leur ami Daniel Julliaguet, musher français. C’est un expert en course de très longue distance(plusieurs courses de 1200km à son actif). Il est installé là-bas depuis de nombreuses années. Daniel et sa femme, les accueillent comme leurs enfants avec de bons plats copieux et des dizaines de questions sur leur expédition. Daniel a beau être un expert en traineau à chiens, les ascensions ce n’est pas quelque chose qui se fait dans le milieu du mushing. Nos 3 amis profitent de l’expertise de Daniel pour récolter un maximum d’informations et de conseils sur la Laponie et son milieu extrême au-delà du cercle arctique. Notamment comment permettre aux chiens d’évoluer dans les meilleures conditions de ce milieu exigent.

Laponie traineau Lucien Chaillot

Cette première étape est aussi le moment de défouler les pattes de tout le monde enchaussant les patins. Daniel nous donne accès à son chenil de compétition pour s’occuper des chiens et à ses pistes d’entrainement pour sortir en traineau, ceci permet à nos aventuriers de tester leurs matériels de traîneau et de vidéo pour la première fois en Suède. Des dizaines et des dizaines de kilomètres de pistes serpentent entre forêts, zones humides et immenses lacs gelés. C’est l’heure ! Ils vont enfin faire du traineau en Suède ! Rémi trépigne, ses chiens aussi. De l’équipe, il est le seul à n’avoir jamais fait du traineau en dehors du territoire français. Et la Suède c’est un peu le rêve avec ces étendues plates à perte de vue ! Yahou ! C’est au grand galop qu’ils s’élancent, sous les rires de Rémi« C’est beau ! C’est beau ! Mais qu’est-ce que c’est plat ! »

Mais cette première sortie se termina plus vite que prévu. A peine 30min de glisse entre les bouleaux de la toundra, au moment de la première arrivée sur un lac gelé Remi s’arrête soudainement. « Lucien, je crois que j’ai encore tout cassé. »

Pour pouvoir acheminer le matériel nécessaire à l’installation de leur camp de base, Lucien a imaginé des brancards permettant de tracter une pulka derrière chaque traineau afin d’augmenter le volume de chargement. Et là celui de Rémi vient de lâcher. Heureusement que ce n’était qu’un test avant le départ pour l’ascension.

De retour au chenil de Daniel, après quelques coups de masse, Lucien redresse illico les barres du brancard et les refixe sur les patins du traîneau. Avec chance les patins ne sont pas cassés et un peu de bricolage suffit à remettre le traineau et sa pulka en état de fonctionnement.

Nos aventuriers sont fins prêts pour la suite de leur expédition : les chiens sont dans les boxes, le matériel est chargé, il ne reste plus qu’à effectuer les quelques 650km restant pour arriver à la ville de Nikkaluakta, encore plus au Nord, point de départ de l’expédition au Kebnekaise.

La route, leur fait franchir le cercle polaire et rejoindre la mythique ville minière de Kiruna. L’ambiance dans la voiture est plutôt silencieuse. La fatigue du voyage commence à se faire sentir. Rémi, Lucien et Robin sont bercés par le souffle du vent et de la neige qui se déplace à l’horizontale et vient heurter les vitres du véhicule. Ici c’est la météo qui donne le LA. Les prévisions sont bonnes, mais la météo sera venteuse pour le reste de l’expédition. Arrivés à Nikkaluokta, il faut reprendre des forces après cette longue route. La silhouette des premiers sommets du Massif du Kebnekaise se dessinent entre les nuages de neige. Ca y est ils sont au bon endroit ! Place au déchargement, dernier compactage des affaires dans des sacs étanches et mise à l’attelage. Il faut tout de même un bon petit chargement pour se faufiler dans ces vallées glaciaires découpées. Nos amis partent en autonomie pour eux et pour les chiens. Là où ils vont, personne ne pourra les ravitailler en vivres et en eau. Ils doivent donc prévoir tout le nécessaire pour 7 jours en autonomie pour 3 hommes et 17 chiens.

DANS LES TRAINEAUX

Après les essais logistiques en France, puis chez Daniel en Suède, il est temps d’installer tout le matériel dans les traîneaux et pulkas pour le grand départ. La répartition du matériel se fait de manière équitable sur les attelages de Rémi et de Lucien.

Matériel de couchage : des sacs de couchage spéciaux pour les grands froids fournis par66°Nord et Lagoped, matelas gonflables et peaux de rennes. Ce sont des équipements indispensables à la survie car les températures oscillent autour des -35°C dans ces contrées.

Matériel de cuisine : une casserole et une poêle avec l’indispensable poêle à bois qui permet bien sûr de faire la cuisine mais aussi de se réchauffer sous la tente.

La nourriture des chiens : des sacs de croquettes haute énergie de 25kg et des saucisses snack de 15kg chacune (et oui ce n’est pas les petites saucisses de barbecue ! )

La nourriture des hommes : de quoi se restaurer pendant ces 7 jours ! Avec du café, des barres de céréales et de la nourriture lyophilisée. Rémi étant adepte des petits plats ils sont aussi partis avec du fromage, de la viande à cuire, des légumes du jardin et des fruits. Et oui même par grand froid extrême et un confort sommaire, un bon repas est important pour le moral !

Matériel Chien : de bonnes doudounes à chiens pour les protéger du froid polaire la nuit, leurs gamelles, la stake-out et des filets pour leur parc de jeux.

TOP DEPART

C’est parti pour la première étape de l’expédition, il s’agit d’acheminer tout le matériel nécessaire à l’installation du camp de base au point préalablement repéré. Les traineaux et les pulkas sont chargés pour tenir une semaine, cela représente environ 100kg de chargement sur chaque traineau. Et donc100kg de chargement à tracter pour les chiens. Il faudra parcourir une cinquantaine de kilomètres dans une vallée pour arriver à une quinzaine de kilomètres du pied du Kebnekaise. C’est là que Rémi, Lucien et Robin ont décidé d’établir leur camp de base. Point stratégique, ce point est à l’entrée de la vallée étroite permettant l’accès au Kebnekaise, à l’abri d’éventuelles avalanches et surtout le long d’une rivière gelée. La piste pour y accéder débute par la mythique arche qui marque la porte d’entrée des Alpes Scandinaves, puis elle s’engouffre dans la vallée bordée de magnifiques sommets glacés qui se dressent de part et d’autres de la piste.

Tout se déroule bien pour cette première étape. La piste est bien marquée par le passage de motoneiges qui se rendent dans un refuge lointain. L’orientation est de fait très simple puisqu’il suffit de suivre le cap du fond de vallée. La piste traverse des lacs qui sont bien gelés en cette fin d’hiver arctique. La neige est très présente et elle n’est ni trop molle ni trop soufflée, ce qui permet aux chiens de courir sur une piste sans danger et aux traineaux de glisser sans encombre. Les montagnes et les sommets visibles de part et d’autre de la vallée offrent un décor féérique avec des cascades de glace gigantesques. De temps en temps, des petites forêts de bouleaux bordent les pistes. Nos aventuriers pilotant leur traineau, découvrent ces paysages arctiques avec excitation, le Kebnekaise n’est plus très loin maintenant.

Ils auraient pu profiter tranquillement du paysage en admirant le travail de leurs compagnons pour acheminer le matériel durant toute l’étape mais c’était sans compter sur les prévisions météo. Une semaine ventée était annoncée et sur la piste le vent s’accentua très vite. De face et avoisinant les 60km/h, il ne laissait pas le choix, les mushers devaient participer à l’effort de tractage des chiens. Il fallait les soulager un maximum du poids des traineaux en les poussant pour ne pas que les chiens s’épuisent. Pour une première journée qui devait, sur le papier, être tranquille, linéaire et sans difficultés techniques, elle se révéla physique et psychologiquement fatigante. 50kms sous les bourrasques de vent et de neige ce n’est de repos pour personne. Mais ce n’est pas cela qui pouvait entacher la bonne humeur et l’excitation de nos 3 gaillards, ravis d’évoluer avec les chiens dans des territoires inconnus pour vivre une aventure hors du commun.

Enfin arrivés au dernier col au fond de la vallée, il ne restait plus qu’à redescendre sur une vallée perpendiculaire. Une nouvelle vallée et un nouveau paysage avec une nouvelle ambiance, s’ouvraient devant eux. Fini la piste de motoneige, seulement quelques cabanes d’été des Sami sont visibles. Ils s’en servent pour garder les troupeaux de Rennes l’été mais l’hiver celles-ci sont inaccessibles. Ils sont arrivés en haut d’une plaine immense délimitée uniquement par de gigantesques montagnes. Du blanc à perte de vue avec quelques tâches de végétation c’est le cœur du massif du Kebnekaise. Une longue mais faible descente restait à faire dans ces paysages blancs immaculés. En ligne de mire le point du bivouac et le repos mérité. Il leur aura fallu plus de 7h pour rejoindre cette zone ciblée pour le camp de base.

La fatigue était bien présente pour les chiens mais aussi pour les hommes. Mais pour eux la journée n’était pas finie. Le camp restait à être monté.

Laponie traineau Lucien Chaillot

LE CAMP DE BASE

Le but d’installer un camp de base est de pouvoir graviter en étoile autour de celui-ci. Cela permet de partir à la journée pour
explorer les différents sommets avoisinants le campement. Cela offre un réel avantage : il est possible de partir en expédition avec les traineaux légers. En contrepartie il faut bien sûr faire avec quelques inconvénients et notamment le fait que ce soit un camp qui reste sans surveillance face à la météo scandinave qui peut très vite basculer sur des phénomènes tempétueux au-delà du cercle polaire.

Le camp c’est un parc pour les chiens et un tipi avec un poêle à bois, les vivres et le matériel de nuit pour les hommes. Le tout installé à proximité de ressources vitales : une rivière afin d’avoir accès à de l’eau liquide grâce à un forage de la glace, d’un bosquet de végétation pour assurer l’apport de bois du poêle à bois et un emplacement orienté sud au pied d’un petit mont pour abriter le tipi des vents dominants venant du Nord.

Pour pallier à cet inconvénient majeur un process de sécurisation du camp s’impose lors de chaque départ. Tout doit être rangé sous le tipi, le mat principal est renforcé avec des blocs de glace, les entrées sont recouvertes de neige afin d’éviter que le vent ne permette et provoque l’amoncellement de neige dans le tipi... et bien sûr le point GPS du campement est enregistré pour le retrouver même dans le blizzard !


Ce protocole avec la localisation du bivouac et le procces de sécurisation a été mis en place bien en amont, avant le départ des Hautes Alpes.

Mais à vrai dire entre la lecture des cartes, la lecture aérienne et la réalité du terrain il y a eu quelques surprises... Mais finalement au bout de quelques carottages et quelques déplacements, le spot idéal était bien présent et le camp a pu fournir tout le nécessaire pour cette expédition.

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Il était indispensable de trouver du bois surplace pour alimenter le poêle à bois car c’était le seul moyen de chauffe, pour l’air du tipi et pour la nourriture, prévu par nos aventuriers. Lucien, toujours confiant, avait annoncé : « Pas de réchaud, on fera les puristes au poêle et du feu de bois, la localisation du camp de base est en bordure de petites forêts. » Or kilomètre après kilomètre, lors de l’avancée vers le camp de base, nos aventuriers ont vu ces petites forêts diminuer de plus en plus. Une fois arrivés à destination, il ne restait que de maigres arbustes tapissant la vallée. Ces arbustes ont été suffisants pour tenir durant toute l’expédition mais la ressource était bien plus maigre que prévue.

Une deuxième surprise, l’accès à l’eau. Lucien toujours, responsable de la logistique bivouac, «le camp sera au abord d’une rivière. Nous ferons un trou avec une tarière dans la glace jusqu’à atteindre l’eau. Pas de stress !». mais dès le premier trou dans la glace, Lucien touche la terre sans trouver de l’eau à l’état liquide.« Nous ne vous inquiétez pas, les copains ! Faut juste aller plus au milieu de la rivière. » Second trou : IDEM. Le « logisticien bivouac »commençait lui–même à stresser. Il faut dire que la mèche de la tarière fait bien 1 mètre de long. Qu’à cela ne tienne en se déplaçant un peu il semble que la rivière soit plus profonde plus bas. Troisième essai : OUF ! Lucien a réussi à trouver une veine d’eau liquide sous le mètre de glace. « Je vous l’avais dit, pas d’inquiétude. Enfin, maintenant qu’on a l’eau plus d’inquiétude... » Oui maintenant que l’eau est là il est possible d’installer le camp et de se lancer dans l’aventure, le but de cette expédition : l’ascension du Kebnekaise, le plus haut sommet de la Suède culminant à 2097m.

L'ASCENSION

Avant de se lancer dans l’ascension, il est important d’explorer les environs les premiers jours pour s’habituer à l’environnement et repérer les passages les plus délicats. Il est essentiel dans ces environnements hostiles de s’adapter en permanence et en particulier aux prévisions météorologiques. Celles-ci offrent une fenêtre météo plus courte que prévue. D’ici 2 jours, une dégradation avec des vents violents est annoncée: une tempête qui balaierait toutes les Alpes Scandinaves.

Mais il reste encore 2 jours ! L’ascension du Kebnekaise, ne pouvait pas vraiment attendre.

Dès le deuxième jour c’est l’heure de la reconnaissance de l’ascension. Sur le chemin d’accès au sommet plusieurs inconnues(étaient présentes). A commencer par le risque d’avalanches notamment avec des accumulations de neige dues au vent. Il fallait passer pour tester le manteau neigeux. Deux points clefs avait été repérés. Un passage dans un goulet (serait) potentiellement avalancheux et (à la suite de ce) un passage avec une pente à plus de 30° dont il fallait vérifier la faisabilité en traineau. Soit sur ces 2 points le passage était possible soit il ne l’était pas et l’ascensionne serait pas réalisable car trop dangereuse.

Il fallait lors de cette reconnaissance vérifier si tous les voyants étaient au vert.

Laponie traineau Lucien Chaillot

La première journée d’ascension démarra bien, sous un grand soleil et sans la moindre once de vent. Les traineaux légers comme des plumes, remplis du strict nécessaire pour la journée, nous voici traversant la vaste vallée sans encombre. Puis vint un court goulet débouchant sur une vallée beaucoup plus étroite surplombée de falaises et montagnes encore plus impressionnantes que celles autour du camp de base. Ces paysages laissent une impression de vertige (dans la grandeur,)au fur et à mesure de l’avancée vers le point culminant du massif. Tout devient de plus en plus sauvage, de plus en plus grand, de plus en plus impressionnant. Les nuages commencent à se faire de plus en plus présents et il est perceptible que le temps va changer. Il se met à neiger par intermittence. Dans ce décor féérique, des rennes apparaissaient sur des promontoires. Le cadre est incroyable, idyllique, mais la progression pénible, à des quantités de neige importantes, accumulées par les vents dans cette vallée étroite.

Les chiens ne profitaient plus d’une piste dure et plate comme la première étape (de la veille). Ils avançaient péniblement dans la poudreuse. Les hommes devaient leur faire la trace devant. Le vent, toujours de face s’était levé.

Pour soulager les chiens de tête, les leaders, chaque attelage passait en tête de cortège, les hommes devant le traineau, à la manière d’un peloton cycliste chacun prenait son relais. Même avec ce fonctionnement, petit à petit, les leaders commencent à fatiguer (à se lasser de progresser dans de telles conditions). Heureusement, Robin en ski de randonnée et Peuf sa chienne sont de gros atouts pour faire la trace et motiver la troupe. Peuf toute nonchalante qu’elle est au quotidien, avance sans rechigner dans la neige profonde. Elle dégage ainsi le passage pour les attelages, plus lourds et plus larges. Cette deuxième journée qui devait être consacrée à une reconnaissance tranquille, (elle) fût finalement tout aussi physique que la précédente. Un total identique de 7h de progression mais ce coup-ci seulement 10km de distance et 700m de dénivelé. Elle aura tout de même permis de voir le goulet redouté et d’arriver juste sous les fortes pentes à plus de 30°. Ces 2 points semblent praticables, ils devraient permettre le passage pour accéder au sommet tant convoité.

Cette première reconnaissance s’arrête là, juste avant ces 2 obstacles, pour aujourd’hui. Tous ces efforts pour faire la trace permettront demain d’évoluer plus aisément sur la piste que nous avons damnée avec notre passage. Cela permettra demain d’arriver dans les passages techniques sans être épuisés.

Retour au camp après cette belle et rude journée. Place à la vie quotidienne du camp, il faut s’occuper des chiens, les hydrater, les nourrir, glaner du bois, chercher de l’eau, cuisiner, manger et enfin dormir. Le froid et le vent qui secouent la toile de tente, la neige qui rentre discrètement par le tuyau du poêle sont des désagréments qui ne nous dérangent plus après tant de fatigue (d’effort physique). Quand on est vraiment fatigué et avec un bon équipement, il est possible de dormir même avec des températures polaires avoisinant les -35°. Et puis demain c’est la journée de l’ascension, tout est en place il ne reste plus que les derniers kilomètres d’ascension et les derniers 700 m de dénivelé à découvrir.

Laponie traineau Lucien Chaillot

Nouvelle journée, reprise des traces (du cap) de la veille, quelques peu effacées par le vent de la nuit. Au-delà du cercle polaire, quand le vent t’en veut, il ne fait pas semblant, et il reste de face ! Les chiens grâce à leurs instincts arrivent aisément à retrouver la piste (de la trace) de la veille. Ils ne se découragent pas à recréer une trace là où elle a été recouverte de neige. Ils mènent notre équipe au pied du Kebnekaise avec une facilité déconcertante, comme s’ils avaient fait ce chemin des dizaines de fois. Les chiens avancent, les hommes les suivent, les aident et rapidement ils arrivent à la fin du chemin connu. En 3 fois moins de temps que la veille, le point de départ de cette 3ème journée est atteint. Et voici devant qui s’élève, le dernier tiers de l’ascension tant redouté. A revoir

Premier obstacle, le goulet raide et rempli de neige profonde où il n’est pas souhaitable de s’attarder. Peuf et Robin partent droit dans la pente et permettent de le passer sans perdre de temps. Ils font la trace et les traineaux suivent. Deuxième obstacle, 300 mètres de dénivelé dans une pente à plus de 30°. Il va falloir les monter. Notre équipage est confiant, il entame comme à son habitude, droit dans le pentu ! Mais la neige, balayée par les vents polaires, laisse vite place à la glace. Les chiens tentent de progresser doucement sur ce sol raide et verglacé, mais le poids des traineaux ne leur permet pas de progresser aussi vite et aisément qu’imaginé. Il fallait se rendre à l’évidence la glace empêchait l’équipage d’avancer. Et ça même Lucien ne l’avait pas prévu, ils n’avaient pas pris le matériel d’alpinisme ! Qu’à cela ne tienne, les traineaux à chiens sont pourvus d’encres à neiges pour permettre d’immobiliser le traineau. Faute de mieux elles peuvent être utilisées comme piolet pour éviter que les traineaux glissent et emportent dans la pente l’équipage.

A ce stade Rémi, Lucien et Robin commençent vraiment à douter de la faisabilité d’une telle ascension en traineau avec leurs chiens. 

Cette pente à 30°C sur glace n’était pas praticable sur toute sa longueur, heureusement en se déviant de plusieurs dizaines de mètres sur le côté un passage avec quelques accumulations de neige permis à nos aventuriers de retrouver la neige sous leurs patins et leur ouvrit la voie vers la suite de cette ascension.

Un dernier obstacle est apparu dans le dernier kilomètre de cette ascension. Ce ne devait pas en être un au vu de leurs précédentes ascensions dans les Hautes Alpes mais nos 3aventuriers n’avaient pas anticipé qu’au-delà du cercle arctique, évoluer sur une large arête menant au sommet sud du Kebnekaise pourraient être compliquée par une météo non favorable. Et ce fût le cas, jour blanc, blanc de chez blanc en haut du Kebnekaise et sur l’arrête d’accès, les falaises qui tombent à pic de chaque côté ne sont pas visibles. Prudemment, les chiens avancent sur cette arrête, l’arrondi du sommet est devant, il faut que tout le monde reste concentré, il faut que les chiens suivent et que rien ne leur fassent dévier de la trajectoire. La caravane des traineaux arrive enfin au sommet de la Laponie. C’est petit, et les traineaux sont larges et les chiens nombreux finalement. Ce sommet ne prête pas à la pause et à la contemplation. Une accolade rapide, une papouille à chaque chien et hop demi-tour sur place, maintenant la descente est devant.

L’arrête est aussi compliquée à la descente qu’à la montée mais juste après, un large replat permet aux hommes et aux chiens de souffler un peu. Et de savourer, une arrivée à 2097m en traineau à chiens, une première ascension en chiens de traineau du sommet de la Laponie vient d’être réalisée. 1400m de dénivelé positif sur 13km pour rejoindre la Pointe sud du Kebnekaise en traineau à chien. Rémi, Lucien, Robin et les 17 chiens sont montés au sommet du Kebnekaise. Le défi est relevé ! Maintenant il faut redescendre au camp de base par le même chemin qu’à l’aller. Un avantage :maintenant les passages clefs et leurs embuches sont connus et pourront être évités.

Rapidement, il faut se mettre d’accord sur la tactique. Pour redescendre la pente raide et verglacée, les chiens seront dételés. Cette pente à plus de 30° fût un moment magique. De la pure glisse en traineau avec les chiens en libre à côté, un des moments forts de cette expédition. Moment capté avec brio par Robin, qui illustrera l’affiche du film de cette aventure. Le soleil fit alors une percée et les sommets environnants se découvrirent au travers des nuages. De la glisse, les chiens, les montagnes, tout à ce moment précis reflétait l’objectif de cette expédition. Il n’y avait plus de fatigue, plus de difficulté, juste du plaisir, juste la joie de vivre ce moment.

7309km de route

120km de traineau

3000m dénivelé

2097m altitude du Kebnekaise

90 Kg de croquette

1 film « Kebnekaise » présent sur deuxfestivals

1 flasque de génépi 

Lucien Chaillot

Lucien Chaillot

Passionnée de récit d’aventure polaire depuis son très jeune âge. Il côtoie ces territoires régulièrement pour des aventures personnelles ou qu’il guide.

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